Pituite

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La pituite (du latin pituita), aussi appelée phlegme ou flegme, est un terme médical ancien, qui n'est plus guère utilisé depuis le milieu du XXe siècle, et qui pourrait se rapprocher des mucosités ou mucus produit par des muqueuses.

Époque contemporaine[modifier | modifier le code]

À l'époque contemporaine (début XIXe, fin XXe), il désigne un liquide aqueux, d'aspect glaireux, composé de salive et de mucosités œsophagiennes, et qui s'accumule la nuit dans l'estomac. Cette pituite est recrachée le matin à jeun, par expectoration ou par régurgitation (spasme du cardia). Elle se voit le plus souvent chez des sujets alcooliques, elle peut être symptomatique d'une maladie de l'estomac, en particulier la gastrite alcoolique[1].

Médecine antique et médiévale[modifier | modifier le code]

D'après la théorie des humeurs, la pituite (dite aussi lymphe ou phlegme) est rattachée au cerveau (humidité du cerveau). Le cerveau rendait les mêmes services que d'autres glandes, délivrant le corps d'un excès d'humidité, accumulant l'eau comme une éponge, puis la relâchant sous forme d'un flux catarrhal. Le cerveau apparaissait froid à Aristote, à l'opposé du cœur qui était chaud[2]. La glande pituitaire, ancienne dénomination de l'hypophyse, était considérée comme le filtre de cette humidité qui, croyait on, pouvait s'écouler par le nez (dont la muqueuse est toujours appelée muqueuse pituitaire)[3] lors d'un rhume , populairement appelé « rhume de cerveau ». La pituite était froide, contrairement aux autres humeurs, et augmentait en quantité en hiver, la saison la plus en adéquation avec sa nature froide, c'est d'ailleurs à cette période que l'on crachait et que l'on mouchait le plus de pituite[4]. Cette pituite pouvait s'assécher et se déposer en formant des croûtes sur le bord des muqueuses.

De nombreuses maladies chroniques s'expliquaient comme des dépôts de pituite en différents endroits du corps, en particulier les articulations, d'où le terme de rhumatismes, de rhume de hanche, de goutte (dépôt en goutte à goutte)[5]. Ces dépôts expliquaient aussi certaines tuméfactions et des abcès froids, comme ceux de la tuberculose (écrouelles). Les troubles d'écoulements de pituite pouvaient expliquer des maladies comme la migraine, l'épilepsie, la sciatique, les hémorroïdes[5], etc. Particulièrement l'épilepsie était due à une trop grande humidité du cerveau qui ne pouvait s'évacuer chez les personnes flegmatique: de flegmatique la personne devenait épileptique[2]. La plupart des maladies du cerveau naissaient de la dyscrasie des humeurs, bien que l'on ait reconnu qu'un choc à la tête ait pu entamer les facultés du cerveau de mouvement, de pensée et de sensibilité[2].

Encore au XVIe siècle, pour Costanzo Varolio, le cerveau, membrum molle et aqueumn, regorgeait d'humidité, c'est-à-dire de phlegme ou de pituite; « les glandules appendues aux cavités ventriculaires du cerveau collectent, comme des éponges, les produits excrémentiels provenant ici de la nutrition du cerveau et qui doivent être éliminés hors de l'économie; rassemblée dans les ventricules comme dans des cloaques, la pituite descend par infunfibulum au palais et est rejetée par la bouche et parles narines. »[2].

Accompagnant la théorie des humeurs, une recherche intensive a suivi, initiée par Galien pour trouver les canaux qui permettent de drainer la pituite des ventricules du cerveau vers la glande pituitaire, et de celle-ci, à travers la selle turcique, dans les fosses nasales et le pharynx, ce qui finalement mènera à la découverte du canal crâniopharyngien[6] et la tige pituitaire. Conrad Victor Schneider et Richard Lower seront les premiers à réfuter la théorie galénique d'une communication entre les ventricules cérébraux, la tige pituitaire, l'hypophyse et le nasopharynx ; la théorie galénique était au début du XVIIIe siècle largement réfutée[7].

L'expression rhume du cerveau est toujours utilisée de nos jours.

On appelait tempérament pituiteux, lymphatique ou flegmatique, le tempérament des personnes froides et tranquilles qui dominent leurs émotions[3]. C'est un apport de Galien, car Hippocrate ne décrit pas les pituiteux[8].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. A. Manuila, Dictionnaire français de médecine et de biologie, t. 3, Masson, , p.324
  2. a b c et d Jules Soury, « Nature et localisation des fonctions psychiques chez l'auteur du traité De la Maladie sacrée », Annuaires de l'École pratique des hautes études, vol. 39, no 1,‎ , p. 5–35 (DOI 10.3406/ephe.1906.2605, lire en ligne, consulté le )
  3. a et b Dictionnaire des sciences médicales, t. 42, Panckoucke, , p.509-513
  4. Jacques Laminne, « Les quatre éléments : le feu, l’air, l’eau, la terre. Histoire d’une hypothèse », Mémoires de l'Académie royale de Belgique, vol. 65, no 1,‎ , p. 1–194 (DOI 10.3406/marb.1903.2491, lire en ligne, consulté le )
  5. a et b A.P. Leca, Histoire illustrée de la rhumatologie, Roger Dacosta, (ISBN 2-85-128052X), p.14
  6. A.-F. Le Double, « Le canal cranio-pharyngien, hypophysaire ou pituitaire de l'homme », Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, vol. 4, no 1,‎ , p. 82–99 (DOI 10.3406/bmsap.1903.6488, lire en ligne, consulté le )
  7. Andrei Ionut Cucu, Claudia Florida Costea, Antonio Perciaccante et Simon T. Donell, « The Evolution of Pituitary Gland Surgery from the Ancients to the Millennials », World Neurosurgery, vol. 180,‎ , p. 52–65 (ISSN 1878-8750, DOI 10.1016/j.wneu.2023.09.004, lire en ligne, consulté le )
  8. M. Martiny, « Hippocrate, anthropologue et ethnologue. », Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, vol. 7, no 1,‎ , p. 37–48 (DOI 10.3406/bmsap.1965.1305, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens internes[modifier | modifier le code]